• Grâce à Donutella, les secrets de Juliette, je viens de découvrir L.E.J

     

    Des voix comme des tremblements du fond des âges,

    Des accords à faire vibrer les chrysanthèmes.

     

    La quintessence de la beauté féminine.

     

    Un  .................................  hommage         .................         à ........................  la ............................Vie

     

               A         la                                          joie

                                                                                      

     

                                                                                                   A             la                     légèreté

     

     

    A            la              gRavit

                                                   é

     

    Ça retourne, émeut, nourrit, abreuve

     

    Transporte...

     

     

    Je vous laisse

     Je pars en waouh ... cances demain.

    Encore quelques bagages à terminer.

     

    Bises

    Marie

     

     

     

    A faire partager très généreusement

    C'est de la musique pour l'Âme

     

     

     

     


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  • Petit coup d’œil au calendrier en me réveillant.

    J'y vois un couple bien assorti. Un magnifique coq et sa compagne.

    Lui est dressé, l’œil perçant fixé sur l'horizon. Il veille.

    Elle, à côté, est détendue, tranquille.

     

     

    L'Homme qui veille sur sa famille

    et protège sa femme

    a une épouse détendue et joyeuse.


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  • Le noir des tranchées saupoudre de papillons blancs les fleurs du chemin

    L'éclat brun des poupées vertes jaillit au cœur de la nuit

    Semée de gravillons, de brisures de verre, de brûlots, de charbon

    Les sentes champêtres exhalent des odeurs d'outre-tombe

    Le rouge-queue, la mésange, l'alouette s'emplissent des frimas de l'automne

    L'hiver s'abat sans bruit dans un silence fracassant.


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  • Convier le vent à emporter les nuages. Se hausser sur la pointe des doigts de pied, mouillés de rosée, bercés de fraicheur. Regarder là-haut, tout là-haut. L'air pur. La transparence.


    Voir passer l'oiseau d'un jet rectiligne, sans faille. Vif. Tranquille.


    Appeler la bruine, la brume.

    Perdu. Noyé. Incertain, hésitant.

    Confus.

    Sans direction. 

    S'asseoir. S'emplir. Se poser. S'apaiser.


    Héler la rivière. Qui charrie le limon. Roule les boues. Nettoie les rives. Héler la rivière. Regarder la force du courant.

    De gros bouillons détricotent les amoncellements.

    Monter sur un rocher. Laisser passer la crue.
    Évoquer la Source. Boire, se vivifier et se nourrir de lumière.


    Convier le vent à emporter ses nuages. Voir venir l'orage tranquillement. Au-dessus du ciel bas, le soleil nous attend.


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  • Ce poème a été inspiré par des photos de Rêves de Plume

    Les arbres roulent leur bosse à travers les siècles
    Entassent rides et lichens sur leurs troncs vénérables
    Récoltent les cicatrices de scies intempestives
    Vibrent des racines de la terre à la couronne des cieux
    Accumulent leur sagesse en boules naturelles
    Et l'offre généreusement à qui sait les écouter
    Les arbres présentent leur bosse en offrande au temps.


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  • Cela fait un peu plus de trois ans que j'ai ouvert mon épicerie. Ici, la plupart des magasins sont fermés le dimanche. Je suis dans un quartier de petits immeubles anciens. Les gens ne sont pas très riches mais ils ont ce qu'il faut. Ça n'a rien à voir avec chez nous, "avoir ce qu'il faut". Les gens sont bien équipés. Tous ou presque. Même les pauvres. Réfrigérateur, micro-onde, machine à laver, lave vaisselle, télévision,... Beaucoup ont plusieurs voitures !

    L'école est gratuite. Les enseignants demandent l'achat de quelques cahiers et d'un peu de matériel. Ça fait vite des sous. Mais après, tout est gratuit. Il y a deux ans, les enfants sont partis en vacances une semaine avec l'école. Tu te rends compte. On a du payer mais on pouvait le faire. Les enfants étaient tellement contents. C'était l'automne. La maitresse leur a dit que comme ça il y aurait une bonne ambiance dans la classe toute l'année. Ils sont allés au pied de la montagne. Ils ont fait de magnifiques promenades. Ils ont réalisé des tableaux avec des feuilles mortes. Et préparé un spectacle qu'ils nous ont présenté la semaine d'après. Les parents ont apporté des gâteaux et des boissons. C'était très joyeux. Dans la cité, nous sommes beaucoup de nationalités différentes. Je crois qu'il y en a vingt-neuf dans l'école. Alors, ici, on est tous à égalité.

    Moi, je suis ouvert le dimanche. C'est un défilé incessant toute la journée. Ce jour là, ce sont beaucoup d'hommes qui sont envoyés par les femmes. C'est elles qui font la cuisine. Il leur manque un citron, une boite d'olives, une bouteille de crème fraiche,... En été, il y en a beaucoup qui viennent chercher les merguez et la viande pour le barbecue. Ce n'est pas grand chose à chaque fois, mais à la fin de la journée, ça va.

    A la longue, on se connait. On parle du pays. Et des enfants.

    Je ne peux pas me plaindre. En travaillant tous les jours, j'ai de quoi faire vivre la famille. Je peux même payer des cours de guitare à Houmam et des cours de judo à Elyas. Amena est au magasin le matin avec moi. Elle a trouvé un emploi de femme de ménage en complément. Elle fait les bureaux dans trois entreprises après 17h. Elle prépare ce qu'il faut pour notre repas du soir dans l'après-midi avant de partir.

    Je suis un peu inquiet pour les garçons. C'est pas toujours facile pour nous de trouver du travail. Y'a beaucoup de chômage ici aussi. J'espère qu'avec les relations que j'ai, ils pourront trouver quelque chose. Je fais partie d'une association dont le but est l'amélioration des relations entre les habitants. Je suis au conseil d'administration. De ce fait, je connais beaucoup de gens en plus de la clientèle du magasin. J'espère que cela aidera mes fils.

    On se fait toujours du soucis pour les enfants. Tu le sais aussi toi.

    Ici, la plupart des gens travaillent seulement cinq jours par semaine. Les entreprises payent cinq semaines de congés par an. Moi je prends deux semaines. Cela me suffit. L'année prochaine, je prévois de venir au pays l'été. Je ne peux pas fermer le magasin trop longtemps. Je vais voir si je trouve une solution pour pouvoir quand même venir un mois.

    Prépare-toi, ça va être la fête. Je vais vous couvrir de cadeaux. J'économise depuis mon arrivée.

    Amena et moi, on a un peu la nostalgie du pays. Il manque le soleil ici... On ne s’assoit pas devant la porte le soir pour discuter avec les gens qui passent... Mais y'a tellement de confort et de liberté. Et puis quand on a un travail, y'a la sécurité ici. C'est tellement important. Pouvoir marcher dans la rue en toute quiétude. Si tu savais !

    J'espère vraiment que tu pourras venir avec les enfants. J'ai hâte de te faire visiter la campagne en voiture. Houman se réjouit de te jouer quelques morceaux de guitare. Je suis fier de lui. Il a été reçu premier de sa classe musicale l'année dernière. Il espère faire aussi bien cette année. Amena a appris à faire des petits gâteaux de la région, les bredle. Les enfants les aiment tant. Elle t'en fera goûter même si ce n'est pas la saison. Ils sont préparés pour Noël, une fête de la Lumière et de l'Amour. Il faudra que tu choies Elyas car avec ses prises de judo, tu risquerais de te retrouver au tapis plus vite que tu ne respires. Je plaisante bien sûr.

    Donne-moi des nouvelles du pays. Nous t'embrassons tous. Laith et les enfants aussi.

    Zahi

     


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  • Mon cher Nazir,

    Nous sommes enfin arrivés au terme du parcours du combattant. Tu ne peux imaginer la joie qui s'est emparée  de nous quand nous avons visité notre appartement après toutes ces années faites d'incertitudes et de danger.

    Nous habitons un appartement de trois pièces plus la cuisine, la salle de bain et le WC. Nos deux enfants ont leur chambre, nous la nôtre et nous avons même un petit salon. L'école est tout près.

    Je ne sais comment te faire partager le bonheur qu'il y a à vivre dans un pays où on peut en permanence sortir en sécurité. Les enfants peuvent aller seuls à l'école sans risque. L'assistante sociale a fait le nécessaire pour qu'ils aient tout le matériel scolaire demandé par le professeur. Je suis rassuré pour eux. Tlidja et moi en pleurions de soulagement le jour de leur rentrée.

    Nous avons tous deux déjà pu nous inscrire à un cours de langue pour les étrangers. Il va durer six mois. A l'issue, je chercherai un travail de serveur. Il parait que mon diplôme et mon expérience de naturaliste ne me serviront à rien. C'est une profession où il y a énormément de chômage ici. Les métiers de la restauration sont apparemment difficiles mais je suis sûr d'y trouver un emploi. Je ferai tout pour pouvoir élever mes enfants dignement et ne pas dépendre de l’État français. Je ne sais comment te décrire la reconnaissance que j'ai envers la France. C'est tellement merveilleux qu'elle nous accueille.

    Quand un emploi de naturaliste se libèrera - cela arrivera bien - je postulerai. J'ai toutes mes chances.

    Il n'est pas toujours facile de se faire aimer ici. Tout le monde n'accepte pas la couleur de notre peau. Mais je suis déterminé à montrer que je suis quelqu'un d'honorable et de respectueux, ainsi que ma famille. Je crois que l'école va nous aider à nous faire accepter. Le maitre est ouvert et chaleureux.

    Comment est la situation au pays? Les informations que l'on obtient ici ne semblent pas très fiables et sont parcellaires. Je reste profondément inquiet pour vous. Mais vous avez eu raison de ne pas partir. La santé de Loundja est trop délicate. Elle n'aurait pas supporter les épreuves de l'intégration et les conditions de vie en attendant l'admission définitive.

    C'est dur d'être obligé de vivre séparés à des milliers de kilomètres. C'est dur de ne plus sentir les odeurs de la terre natale, de ne plus voir les arbres qu'on aime. Même le ciel est différent. Pour le moment, notre logement est en ville. Nous souhaitons nous installer à la campagne le plus rapidement possible. Je vais apprendre à aimer la grâce du bouleau et la légèreté du saule pleureur, à sentir quand la pluie arrive. Je reconnais déjà le chant du merle, un oiseau noir au très joli chant.

    Quand nous aurons un travail, Tlidja et moi, nous vous ferons venir en vacances. Le plus tôt possible. Je vous aime.

    Baya

     

     


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  • Cette nouvelle ne relate pas une scène de la réalité. Elle a été inspirée par la photo "L'amour au temps de l'exil" issue du blog de Frédéric Seguin.

    Mais aussi par les informations qui nous parviennent sur les conditions d'accueil des personnes qui fuient les dictatures et les guerres.

    Et enfin par mon expérience d'accompagnement de personnes demandant l'asile.

     

    Cher Moonif,

     

    Nous venons de passer la frontière.

    Les forces de police constituaient une haie de chaque côté de la route. Chaque policier, à moins que ça n’ait été des militaires, tenait un fusil mitrailleur. Une cagoule noire recouvrait leur visage. Ils étaient vêtus de sombre. Seuls leurs yeux sortaient de toute cette obscurité.

    Une tension palpable épaississait l’air, chape sur les épaules.

    Un passage étroit avait été aménagé entre des chevaux de frise. Nous étions contrôlés un à un. Il semblait qu’à tout instant un coup de feu pouvait coucher l’un d’entre nous au sol tant ces statues ténébreuses semblaient remplies d’exécration.

    J’aurais tant aimé te sentir à mes côtés, mon frère.

    J’avais enfilé mon tee-shirt portant l’inscription "love" comme pour conjurer cette violence latente - tu te souviens, je l’avais acheté sur le bazar avec toi. Je tenais Amena fermement par la main. J’avais si peur de la perdre.

    Ils nous ont obligés à nous lâcher. Une des effigies noires l’a poussée dans une cabine de toile. Elle a tourné la tête vers moi. Son regard s’est fiché dans mon cœur comme une crevasse de glace. Je n’ai rien pu faire. Derrière le chiffon de la cabine, ils lui ont fait subir une fouille au corps. Tandis que cela s’est passé sur le bord de la route pour moi. La seule marque de dignité qui m’ait été concédée, était de pouvoir tourner le dos à la route.

    Amena est revenue bouleversée. Cette mesure de défiance gratuite qui a fouillé son intimité l’a profondément choquée.

    Comme j’aurais aimé que tu sois avec nous. Il nous traite avec un irrespect que les animaux n’ont pas les uns envers les autres. La nature, comme sidérée, se taisait. Un silence vitrifié planait. Les rares oiseaux habitant les branches posaient, raides comme des stalagmites.

    Les monuments charbonneux ont peur de nous, mon frère. Il faut être fort pour rester debout face au vent de la haine. Amena s’est réfugiée en pleurs dans mes bras. Je lui ai donné de longs baisers mouillés de ses larmes. Je l’ai bercée. Elle se disloquait comme un pantin de chiffon. J’ai terriblement peur pour elle.

     

    Nous espérions trouver la liberté. Nous rencontrons l’indignité.

    Nous cheminons, sans un rire, au milieu d’un paysage chaotique. Vêtements perdus. Chaussures abandonnées. Sacs éventrés. Le ventre cisaillé par la faim, les intestins vrillés par la peur, la tristesse pour compagne.

    Tu me manques, mon frère. Nous t’avons laissé dans ce port minéral défait où suinte ma déchirure.  Nous t'avons laissé, baigné de rouge. Ton corps disloqué sur les rochers.

    Je n’avais même pas une fleur à te jeter.

    Je t’aime, mon frère.

    Maan

     

    Comment est-il possible de s'approprier un coin de terre et d'en interdire l'accès aux autres hommes? La terre a-t-elle été conçue hérissée de barbelés ?  Y-a-t-il une loi naturelle inscrite dans les gènes ordonnant de vivre en climat tempéré et dans l'abondance ou en climat hostile dans la dénutrition?

     


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  • Les derniers soupirs crépitent dans la cheminée

    Une pluie de pétales abreuve la Lumière

    Des perles de rosée ourlent la Source Nouvelle

     

    Une source s'écoule de la bouche de la montagne. Un feu brûle sur don bord. Un arbre porte des perles de rosée. C'est le balbutiement de la lumière.


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  •  

    Il a 16 ans. Presqu’un homme déjà. Sa taille élancée chute sur des épaules qui s’affaissent. L’accablement, la maigreur escamotent sa prestance. Des traces grisâtres balaient son corps musclé.

    Il est venu par la mer. Il a fui. Les assassins de son père, dira-t-il. La famine, aussi. Sans doute. La terre ne donne pas là-bas. Elle a bu toute l’eau que le ciel ne verse pas. Il a fui.

    Sa mère est morte. De longtemps déjà.

    Il parle mal la langue d’ici. Il a froid. Personne ne l’attend.

    Chez lui, là-bas, il se raconte que c’est l’opulence, ici.

     

    Son regard erre sur le port. Les gens passent. Pressés. Nonchalants. Indifférents. Voire hostiles.

     

    A la descente du bateau, il y a eu bousculade. On lui a volé ce qu’il avait sur lui. Quelques pièces représentant tout ce qu’il avait pu trouver dans la case désertée et échanger avant de s’embarquer.

    Cela représentait peu. Maintenant il n’a plus rien.

     

    Les fenêtres le regardent. Sans aménité. Elles lui opposent les yeux aveugles de leurs vitres vides. L’anonymat glaçant des rideaux abritent les demeures dans un repli convenable.

     

    Le clocher vrillé élève sa forme de gazelle. Il bégaie douze  battements.

     

    Il traverse la place. S'assied à terre devant l’auberge. La petite ville transpire la défiance hautaine. Elle offre sa circonspection aux mendiants du port. Leurs fripes, chagrinées d’avoir traversé des nuits se succédant aux jours, sans qu’aucun blanchissage viennent atténuer  l’odeur vigoureuse qui s’y accroche, éloignent le chaland bien mis. Le nécessiteux gêne, avec sa gamelle qui exhibe la pauvreté et convoque à la générosité. Il dépareille. Inquiétant par son dénuement.

     

    Le patron du bistrot enjoint au jeune homme d’aller salir le sol plus loin. Il a de la chance qu’il n’appelle pas les flics.

     

    Il s’éloigne. Scrute la place. Repère un arbre. Dans son regard, renait la crainte. Elle l’accompagne depuis si longtemps. Malgré sa jeunesse. Il s’assied contre le tronc. Pose son front sur ses mains. Voile ses yeux qui secrètent un filet humide derrière de longs doigts fins. A la recherche d’une protection. Si ténue soit-elle.

     

    La sentinelle religieuse lui apprend qu’il est quinze heures.

     

    La faim crispe son estomac. Sensation coutumière d’une enfance indigente. Brûlures le long de l’œsophage. Il croise les bras sur ses genoux. Pose la tête sur cet oreiller. Ferme les yeux. S’échappe de cette place sans place qui le chasse et arbore les rires satisfaits des habitués du bistrot.

     

    Dix-sept heures. Le soir tombe sur la ville. Les fenêtres s’habillent de lumière. L’air devient plus frais.

    Il n’a pas bougé. Assis contre l’arbre qui le tolère sans débordement. 

     

    Vingt deux heures. Le froid.

    Fermeture des volets. Ricanement des charnières. Protestations heurtées contre la pierre des encadrements. Cahots successifs l’enfermant  chaque fois davantage au dehors.

     

    Les maisons ont éteint leurs yeux. Le brouillard a posé sa mousseline ivoire sur les silhouettes spectrales de la petite ville. Quelques réverbères malingres diffusent une lueur rognée, festive dans cette nuit blanche.

    Le jeune homme est transi. Il se lève. Marche en rond. Essaie d’atténuer la douleur du froid dans son corps qui crie. Marche encore. Il a peur. Une cabine téléphonique. Il contemple un instant la cabane de verre. Ouvre la porte. Entre. S’assied par terre sur les traces grisâtres des chewing-gums écrasés sur l’asphalte parmi quelques mégots rachitiques.

     

    Les parois l’enserrent comme un lange. Il s’y love. Y cherchant la sécurité d’une matrice. Et s’endort.

     

    Six heures. Le camion-poubelle opère son œuvre de prélèvement dans la ruelle adjacente. Braiement du moteur. Heurts des containers. Odeurs putrides. Interpellations.

     

    Il se déplie. Sort de la cabine. Le froid a fait son travail durant la nuit. Il est grelottant. La faim empoigne son ventre. Il a soif. Il se met à courir. Au hasard. Il sillonne des ruelles décrépies, frôle des volets écaillés, évite des seuils creusés. Les trottoirs lui opposent des trous comminatoires.

    Il arrive à proximité du marché couvert. Les éboueurs ne sont pas encore passés. Il repère les poubelles et leurs cagettes adjacentes chargées de la manne invendue.

    Il trouve quelques fruits et une miche de pain déchirée.

     

    Un robinet public est fiché dans le mur de la halle. Il l’ouvre pour enfin se désaltérer. L’eau gicle dans un jet anarchique et vient s’éponger sur son pantalon de toile. Les cuisses s’exaspèrent. Le froid a redoublé sa morsure. Il avale son butin de laissé pour compte goulument.

     

    Il marche, marche, marche encore pour faire reculer l’engourdissement et tenter d’atténuer l’étau du froid et de l’angoisse. Il doit bien être 9 heures maintenant. Il repère un amas de tôle allumé. S’approche. Des gens entrent et sortent poussant un chariot de fer devant eux. Il hésite. Se cache pour observer. On circule librement. Peut-être peut-il lui aussi passer les portes de verre aux grandes affiches criardes.

    Dans le supermarché, il voit au rayon des livres, des enfants assis. Ils regardent un ouvrage. Il va se glisser à côté d’eux. Prend un livre d’images. Et se laisse emporter dans le monde imaginaire qui se déploie sous ses yeux.

     

    Le temps passe. Il se réchauffe. Les images l’entourent et l’aide à oublier la peur. Mais la faim revient. Il voit une mère prendre un gâteau dans un paquet et le tendre à son garçonnet. Elle repose le paquet dans le chariot. C’est donc de la nourriture. Il suit l’embarcation à distance, les yeux fixés sur le paquet. Le chariot s’arrête. La conductrice s’éloigne, le garçonnet à la main. Alors, vif comme lorsqu’il attrapait les oiseaux pour en faire sa pitance, il embarque le paquet et retourne au bonheur des images à côté d’enfants qui ont succédé aux premiers.

     

    Les lumières suspendues tout en haut de l’entrecroisement de fer clignotent puis s’éteignent. Il ne bouge pas. S’il pouvait passer la nuit là, dans ce monde qui diffuse chaleur, nourriture et images.

    On vient le déloger. On ferme. Tout le monde sort.

     

    Il reprend son errance. Espère retrouver la cabine de verre, là bas vers la mer. Rencontre le gris des façades sans grâce, pauvrement entretenues, aux yeux vides, aux seuils aveugles, faiblement éclairées vers l’intérieur. Tandis que lui dehors voit la nuit qui tombe et le halo des réverbères qui montrent les trous du trottoir.

    Il chemine. Seul. Les rues transpirent de silence. Le soir exacerbe le froid. Ses muscles se resserrent, sa chair se rétrécit.

    Il arrive à la place. Il fait maintenant complètement nuit. Les volets gémissent leur adieu dans un claquement hostile. Il a le sens de l’orientation, prend la mesure des lieux et se dirige vers la cabine de verre aux traces de chewing-gums grises et aux mégots rancis… Il est vingt et une heures.

     

    Vingt et une heure trente, trottinement d’un chien, guilleret au bout de sa laisse. Malgré le froid nocturne. Raclement de gorge.

     Il se recroqueville. Détourne la tête. N’aime guère les chiens. Attend avec anxiété qu’il s’éloigne.

    Le chien lève une patte sur la cabine comme tous les soirs. Le jet jaune dessine une tâche ruisselante qui va mourir dans l’asphalte. Le maître s’éloigne tirant son animal indifférent à la forme recroquevillée au sol, de l’autre côté du panneau de verre. C’est la deuxième halte de l’immuable parcours exécuté trois fois par jour par le maitre.

     

    Vingt deux heures quinze. Ouverture d’une portière de camionnette. Des voix. Des pas.

    Il enfonce la tête dans les épaules. Ses doigts se crispent. La peur redouble.

    Une main se pose sur son bras. Sursaut.

    «  Bonjour petit, qu’est-ce que tu fais là ? T’as mangé ?

    - …

    Son corps se restreint. Il ne bouge pas. Des spasmes d’affolement le malmènent.

     

    On le secoue.

    - Pourvu qu’il ne soit pas en hypothermie !

    -  Petit, tu es gelé !  Il faut bouger !»

    - On l’embarque. Marc, viens me donner un coup de main. On va l’installer dans la camionnette en attendant le SAMU. Il faut un bilan.»

     

    La maraude le recueille. Gestes de première urgence. On l’emballe dans une couverture de survie. Un bol de soupe passe entre ses lèvres bleues. Il ne comprend pas. Que lui veut-on ?

     

    Il est assis sur le banc arrière inconfortable de la camionnette de tournée. Son esprit est brumeux, apathique. Trop de froid, de faim, de peur.

     

    On lui pose des questions. D’où vient –il ? Comment s’appelle-t-il ? Quel âge a-t-il ? Comment est-il venu ?

    Que peut-il dire ?

    Là-bas, chez lui, se raconte qu’ici c’est l’abondance. Que tout le monde a ce qu’il veut. Que les maisons sont luxueuses. Mais que c’est la loterie de pouvoir rester.

    Il ne dit rien. L’appréhension l’empoigne, amenuise sa respiration, broie ses entrailles. Qui sont ces gens ? Que lui veulent-ils ? Où est son sac ?

     

    « Il est mineur. 16 ans. Il faut le signaler au juge des enfants. » Son sac est là. Dans les mains de la dame. Qui regarde son passeport. Il n’a pas compris ce qui l’attend. Le juge… C’est pourquoi. La boule dans son ventre se resserre. Le nœud qui étrangle sa gorge devient douloureux.

     

    Le SAMU arrive. Sans bruit. A cette heure-ci les sirènes impétueuses, annonciatrices de la détresse, revendiquant le passage, sont en sommeil. Comme les rues. Il passe d’une camionnette dans l’autre. Ici, on l’allonge. Lui prend le pouls, la température.

    - Depuis quand êtes-vous dehors ?

    - Avez-vous mangé ?

    - Qu’avez vous mangé ?

    - Quand ?

    - Avez-vous de la famille ici ?

    - Avez-vous une assurance sociale ?

     

    Il est deux heures du matin. L’hôpital le prend en charge. Nouvelle série de questions. Examen clinique. Prise de sang.

    Il s’est réchauffé. A mangé. Il va bien. Il est solide.

    Les lits sont pleins. On en a même plusieurs dans le couloir. On est désolé. On ne peut pas le garder.  Il peut attendre le matin dans la salle d’attente jusqu’à l’arrivée de l’assistante sociale de permanence. Elle le présentera au juge des enfants. On va lui chercher un foyer tenu par des éducateurs.

    Il est trois heures trente du matin. On lui donne une couverture de survie. Et on s’occupe du suivant.

     

    Demain, il acquerra le statut de mineur à la charge de majeurs. S’il peut prouver son âge.  Sinon…

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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